Que s'est-il passé entre le "nous" et le "tu" qui tue ? Comment en est-on arrivé à basculer de la rencontre et des espoirs du premier rendez-vous amoureux, à la rupture, abrupte, et son chagrin d'amour à surmonter ? Qu'est-ce qui a manqué au couple pour dépasser ses accrocs et développer sa capacité créatrice, pour transformer les obstacles de la vie, les attentes insatisfaites, en de nouvelles possibilités de vie à deux, et ainsi réinventer la relation d'amour ?
L'émission La Série Documentaire de France Culture interroge ce qu'est l'amour et la relation de couple en 4 épisodes, chacun portant sur une étape structurante de la relation amoureuse : la rencontre, le couple, les accrocs et la rupture.
Aujourd'hui, 4ème et dernier épisode : la rupture (c'est fini...)
"Il faut que je te parle", et déjà tout est dit. Depuis trop longtemps maintenant, le couple ne fonctionne plus. La distance, les disputes, la souffrance, les reproches, l'absence, ou au contraire trop de présence, le travail, les excuses à n'en plus finir, les infidélités, la perte des sentiments, la sensation d'avoir usé la relation amoureuse... Quelque chose à un moment donné acte pour l'un ou pour l'autre des partenaires, parfois pour les deux, que ça y est, c'est fini. Comme une évidence, presque un soulagement ; comme un déchirement, une issue, à défaut d'une solution. "Il y a un jour où tout d'un coup, ce n'est plus supportable : le malentendu éclate au grand jour, et la violence des ruptures est toujours à l'aune de ce malentendu." (Agnès Mathieu Daudé, écrivain).
Que s'est-il passé ? Qu'est-ce qui fait qu'un jour, à un moment donné, la situation telle qu'elle est vécue est devenue insupportable, qu'il soit désormais nécessaire de rompre, de se séparer ? L'un reste, l'autre part. "Peut-être qu'il y en a un qui prend la responsabilité de dire que c'est terminé mais que l'histoire était déjà terminée avant." (Régis Jauffret, écrivain)
La rupture, parce qu'elle sépare, parce qu'elle casse le lien affectif, est violente en elle-même. "Une rupture, c'est une explosion d'émotions." (Mathieu Bermann, écrivain) La relation s'arrête ; c'est une rupture avec l'autre, qui change de position, de statut, de fonction, qui devient exclu ; c'est aussi une rupture avec soi-même, parce que l'on change soi-même de position, de statut, de fonction, et qu'une part de soi restera à jamais dans cette relation révolue. Il y a perte de la relation, perte de l'autre, mais aussi perte d'une partie de soi qui appartient désormais à l'histoire du couple. Souvent, "c'est celui qui a été laissé tombé, qui a été abandonné, qui continue à posséder l'autre en en faisant la personne qui le fait souffrir." (Régis Jauffret) Comme si cette violence prenait la place d'un amour perdu, d'une douleur, d'une déception. Et le chagrin vient prendre cette place désormais vide, pour la remplir jusqu'à plus soif.
Surmonter le chagrin d'amour. Et le chagrin d'amour, c'est du chagrin. Même s'il est douloureux, envahissant les premiers temps, épuisant, il est nécessaire. C'est important de pleurer cette perte, cette histoire terminée, pour ensuite lui dire au revoir, et l'intégrer à sa juste place, dans son passé, un passé qui fut heureux même s'il a eu une fin. "Il ne faut pas s'enfermer dans le chagrin d'amour, il faut le vivre, prendre ses distances avec." Car la fin d'une relation de couple, d'une relation amoureuse, c'est une perte qui se vit comme un deuil, selon les mêmes étapes, chacune vécue de manière singulière. Il peut aussi arriver que ce deuil résonne avec d'autres pertes, d'autres deuils qui restaient là et reviennent à la surface. Et le chagrin prend vite toute la place, presque comme une présence rassurante qui vient combler un vide.
"L'amour est devenu tellement une chose importante que si quelqu'un se disait : "je n'aimerai plus jamais personne parce que j'ai eu une histoire d'amour désastreuse", cela reviendrait à rejeter la vie, parce que c'est quelque chose qui est intimement lié au fait d'exister, d'être au monde." Chaque relation amoureuse, chaque histoire d'amour est unique, et nous apprend davantage sur nous-mêmes, nos besoins, nos limites, ce que nous voulons vivre et partager avec l'autre. Et si nous répétons les mêmes types d'histoire, de difficultés, de ruptures, dans des circonstances certes différentes mais qui rejouent le même scénario, les mêmes raisons, les mêmes étapes, comme un cycle sans fin, il est toujours temps de se poser et d'essayer de comprendre ce qu'il se passe pour soi, et ainsi faire de la place pour une histoire nouvelle.
"L'important, c'est de désirer, quelle que soit la source ou la cible de ce désir. Pour vivre, on a besoin de désirer." (Mathieu Bermann).
Comments